par Nicolas Grancher
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17 novembre 2025
L’industrie pharmaceutique se transforme, mais ses méthodes de sélection de partenaires RH restent souvent figées. Alors que la technologie et la donnée redéfinissent la manière dont les entreprises développent, valident et commercialisent leurs produits, la sélection des agences de recrutement repose encore trop souvent sur des pratiques informelles : références orales, relations historiques, ou promesses marketing. Une récente analyse met en lumière un écart structurel du marché : le manque de mécanismes standardisés pour évaluer les performances réelles des agences. Cette faiblesse ralentit les recrutements, complique les comparaisons entre prestataires et nuit à la qualité des décisions. Pour combler ce déficit, quatre leviers apparaissent comme essentiels : la vérification structurée des performances, la standardisation des critères d’évaluation, l’intégration des processus de suivi, et la validation entre pairs. Appliqués au recrutement pharmaceutique, ces leviers peuvent transformer la manière dont les laboratoires et biotechs choisissent leurs partenaires. La vérification : un impératif dans un secteur où la preuve est la norme Dans l’industrie du médicament, rien ne se décide sans validation . Les essais cliniques, les audits qualité, la conformité réglementaire tout repose sur la vérification et la traçabilité. Pourtant, lorsqu’il s’agit de recruter les talents qui piloteront ces projets critiques, les entreprises s’appuient encore souvent sur des références informelles . Un directeur RH confie qu’il “fait confiance à tel cabinet parce qu’il travaille avec eux depuis dix ans”. Mais cette fidélité ne garantit pas la performance actuelle. Les pratiques, les équipes, les méthodes évoluent : la confiance doit être nourrie par des preuves actualisées et mesurables . Construire une “infrastructure de vérification” Mettre en place une infrastructure de vérification , c’est aller au-delà du témoignage anecdotique : Collecter des données de performance validées par les clients (taux de réussite, durée moyenne de recrutement, satisfaction). Standardiser les études de cas pour qu’elles soient comparables d’une agence à l’autre. Remplacer les références téléphoniques informelles par des retours structurés et vérifiés. Ce système de vérification permettrait aux laboratoires et biotechs de sélectionner leurs partenaires sur des preuves tangibles , et non sur la réputation ou la communication. Standardiser l’évaluation : donner des repères communs Aujourd’hui, chaque entreprise évalue ses agences selon ses propres critères — parfois même selon les préférences individuelles de ses managers. Résultat : aucune base commune pour comparer objectivement la performance entre prestataires. Pourquoi la standardisation est essentielle Une standardisation des critères d’évaluation permet : de rendre les comparaisons équitables, d’identifier les vraies forces de chaque agence, et de réduire le délai de sélection, souvent excessif. Selon les études citées, le processus de sélection d’une agence prend en moyenne près de 30 jours — un délai qui pourrait être réduit de moitié si les données étaient structurées et uniformes. Vers un référentiel commun Dans le secteur pharmaceutique, cette standardisation pourrait reposer sur : la qualité des profils présentés (adéquation compétences / exigences réglementaires), la rapidité de réponse , la stabilité des candidats placés après 6 ou 12 mois, la conformité des processus (vérifications, confidentialité, respect des règles d’éthique). Un tel référentiel permettrait aux RH de prendre des décisions éclairées et de valoriser les agences performantes sur la durée. Intégrer les processus : du suivi fragmenté à la visibilité globale La plupart des départements RH pharmaceutiques utilisent une mosaïque d’outils : tableurs internes, ATS (Applicant Tracking System), mails, portails fournisseurs, etc. Résultat : les données sont dispersées, les suivis incomplets et les apprentissages difficiles à capitaliser. Le besoin d’une “workflow integration” L’idée est simple : unifier les plateformes et processus de suivi des partenaires RH. Un système intégré permettrait de : suivre en temps réel l’avancement des missions, comparer les performances par agence, par type de poste ou par région, centraliser les retours candidats et managers, et générer automatiquement des reportings consolidés. Les bénéfices pour le secteur pharmaceutique Dans un environnement où le time-to-hire a un impact direct sur la chaîne d’innovation (notamment dans les essais cliniques ou les projets de lancement), cette intégration des workflows pourrait réduire significativement les retards. Elle offrirait aussi une meilleure visibilité aux équipes globales des grands laboratoires, qui peinent souvent à piloter les performances locales. Un tel système ne se limite pas à un outil digital : c’est une démarche de gouvernance , où chaque acteur (RH, hiring managers, agences) partage les mêmes données et parle le même langage. La validation entre pairs : la sagesse collective au service de la décision Dans un marché saturé d’offres, il devient difficile pour une entreprise pharmaceutique de distinguer le discours marketing de la véritable valeur ajoutée. C’est là qu’intervient le “peer validation system” : un dispositif structuré permettant aux RH de partager et vérifier les recommandations entre pairs. De la rumeur à la donnée collective Aujourd’hui, les recommandations circulent surtout de manière informelle : un directeur RH conseille un cabinet à un collègue, sans que cela repose sur des données consolidées. Un système de validation entre pairs permettrait de formaliser et d’agréger ces retours : quelles agences ont obtenu les meilleurs résultats sur des profils réglementaires ? lesquelles sont les plus performantes sur les métiers de la production ? quelles biotechs recommandent quels partenaires, et pourquoi ? Cette mutualisation des expériences RH crée une intelligence collective puissante et vérifiable, bien plus pertinente qu’un simple bouche-à-oreille. L’intérêt spécifique pour les biotechs et CDMO Les structures plus petites — biotechs ou CDMO — disposent rarement d’un grand réseau RH interne. Un système de peer validation leur offrirait un accès direct à la réputation réelle des agences sur le marché, sans devoir passer par de longs cycles d’essai-erreur. Vers un écosystème de recrutement pharmaceutique fondé sur la preuve L’union de ces quatre leviers vérification, standardisation, intégration et validation entre pairs — ouvre la voie à un écosystème RH plus mature et plus transparent. Dans cet environnement, les agences ne seraient plus jugées sur leur discours, mais sur leur impact mesuré . Les RH ne passeraient plus des semaines à comparer des présentations PowerPoint, mais pourraient analyser des données de performance fiables . Et les candidats bénéficieraient d’une meilleure expérience, car les processus seraient plus cohérents, plus rapides et plus éthiques. Les bénéfices concrets d’un tel modèle Gain de temps : réduction du cycle de sélection des agences. Meilleure qualité de recrutement : alignement entre performance réelle et besoins métiers. Renforcement de la confiance : grâce à la transparence et à la vérification croisée. Optimisation des coûts : choix de partenaires réellement efficaces. Ce modèle permettrait aux acteurs du secteur pharmaceutique de professionnaliser durablement leurs relations avec les agences , et de mieux piloter leur stratégie de Talent Acquisition. Un parallèle fort avec la culture pharmaceutique Le recrutement fondé sur la preuve n’est pas une idée étrangère au secteur pharmaceutique. C’est, au contraire, l’extension naturelle de sa philosophie scientifique . Les laboratoires basent leurs décisions sur la donnée clinique, la reproductibilité et la validation par les pairs. Le recrutement, lui aussi, doit suivre ce principe : observer, mesurer, prouver. Mettre en place ces infrastructures, c’est appliquer au domaine du recrutement la même exigence que celle utilisée pour garantir la sécurité, la qualité et l’efficacité des produits pharmaceutiques.