Recruter dans le pharmaceutique, c’est comme formuler un médicament : il faut la bonne molécule, mais aussi le bon excipient

Nicolas Grancher • 25 juillet 2025

Quand la science du médicament inspire celle du recrutement


Dans l’industrie pharmaceutique, personne ne lancerait un nouveau traitement sans une formulation équilibrée. Une molécule active (principe thérapeutique) est nécessaire pour agir sur le symptôme ou la pathologie. Mais sans excipient adapté, cette molécule serait inutilisable, voire toxique : pas de bonne absorption, mauvaise tolérance, rejet par l’organisme…


Et pourtant, c’est exactement ce que font nombre d’équipes RH lorsqu’elles recrutent : elles recherchent uniquement le bon “principe actif”, autrement dit le bon diplôme, la bonne expérience, les compétences techniques parfaites.


Mais elles oublient le bon “excipient” : les valeurs humaines, la compatibilité avec la culture d’équipe, les soft skills essentiels à la réussite du collaborateur sur le long terme.


Résultat ? Des recrutements qui échouent malgré des CV parfaits. Des collaborateurs techniquement irréprochables… mais désalignés. Des talents qui quittent l’entreprise dès la période d’essai.


Il est temps de reformuler le recrutement dans le pharmaceutique avec une vision globale et durable.

1. La molécule : les compétences techniques, l’élément indispensable


Dans toute fiche de poste, la première exigence est claire : la maîtrise des compétences techniques.

Dans le secteur pharmaceutique, cela peut inclure :


  • La connaissance des réglementations européennes et FDA
  • La pratique des logiciels comme Veeva Vault, SAS, LIMS
  • La gestion de projets cliniques multicentriques
  • La conception de protocoles en pharmacovigilance
  • La validation de procédés GMP


C’est la base.
La molécule ne peut pas être absente, sinon le traitement ne fonctionne pas.

Mais un médicament composé uniquement de molécule active est souvent instable, difficile à doser, ou mal accepté par le corps. Il en va de même pour les compétences brutes chez un candidat : ce n’est pas suffisant pour garantir l’efficacité et l’adhésion.


2. L’excipient : les soft skills et l’adéquation culturelle


Un excipient est tout ce qui, dans un médicament, ne guérit pas directement, mais rend la molécule fonctionnelle, stable, agréable à administrer. Dans le recrutement, c’est tout ce qui relève de :


  • L’intelligence émotionnelle
  • La communication interpersonnelle
  • L’autonomie ou l’appétence au travail collaboratif
  • La capacité d’adaptation au stress
  • La compatibilité avec la culture managériale


Prenons deux exemples :

  • Un excellent data scientist qui refuse toute relecture de son travail par ses pairs : tension garantie.
  • Un chef de projet très compétent, mais qui rejette les outils de gestion interne : ralentissement de toute l’équipe.


Dans un projet pharmaceutique, le bon excipient permet à la molécule de délivrer tout son potentiel.
Dans un recrutement, c’est exactement pareil.


3. Pourquoi les recruteurs oublient souvent le bon excipient


a. Parce que c’est moins mesurable

Une compétence technique s’évalue via un test, un diplôme, ou une expérience précédente.
Un comportement humain exige
une évaluation qualitative, souvent plus complexe.


b. Parce que la pression opérationnelle pousse au raccourci

Dans un secteur en tension comme la pharma, les recruteurs sont souvent contraints de “pourvoir rapidement”. Le risque ? Privilégier un candidat “qui coche toutes les cases techniques” sans vérifier l’adéquation au terrain humain.


c. Parce que la culture d’équipe est rarement formalisée

Beaucoup d’organisations peinent à décrire leur environnement de travail :

  • Est-ce que l’on travaille plutôt en autonomie ou en pair programming ?
  • Est-ce que le feedback est direct ou diplomatique ?
  • Est-ce que le manager est dans le contrôle ou la confiance ?



Sans cette clarté, il devient difficile de vérifier la compatibilité d’un candidat avec l’équipe.

4. Comment reformuler votre processus de sélection RH


Voici un plan d’action en 5 étapes pour équilibrer votre “formule RH” :


1. Cartographiez les “excipients” de votre culture d’équipe


Créez une “formulation comportementale idéale” :

  • Quelles soft skills sont indispensables ?
  • Quel type d’autonomie est requis ?
  • Quelle est la posture managériale dominante ?

Faites participer vos équipes actuelles pour identifier les qualités comportementales qui font la réussite en interne.


2. Intégrez ces critères dès l’offre d’emploi


Transformez votre fiche de poste en outil d’attraction culturel, pas seulement technique.

Exemples :

  • “Vous serez épanoui chez nous si vous aimez apprendre en équipe”
  • “Nous recherchons quelqu’un qui valorise le feedback et la transparence”
  • “Notre rythme est soutenu, mais notre équipe se soutient mutuellement”

Vous filtrez naturellement les candidats incompatibles… tout en séduisant ceux qui partagent vos valeurs.


3. Pratiquez l’entretien comportemental structuré


Utilisez la méthode STAR (Situation, Tâche, Action, Résultat) pour faire parler les candidats de cas concrets.

Exemples de questions :

  • “Racontez une situation où vous avez géré un conflit dans une équipe projet”
  • “Comment avez-vous réagi face à un manager très directif ?”
  • “Quelle a été votre plus grande erreur, et comment l’avez-vous gérée ?”

Vous mesurez la réalité comportementale du candidat, et pas seulement ses déclarations.


4. Faites intervenir l’équipe opérationnelle dans le process


Intégrez les futurs collègues dans la dernière phase :

  • Café informel
  • Simulation de collaboration
  • Visite d’équipe

Pourquoi ? Parce que les collaborateurs savent intuitivement si quelqu’un va s’intégrer ou non. Et ils se sentent plus impliqués dans le succès du recrutement.


5. Objectivez vos choix par une grille mixte


Créez une matrice d’évaluation qui donne un poids égal :

  • Aux compétences techniques (molécule)
  • Aux compétences humaines (excipient)

Ajoutez une note pour la compatibilité culturelle.
Décidez en équipe, sur la base de cette matrice partagée.

FAQ

  • Pourquoi comparer le recrutement à la formulation d’un médicament ?

    Parce que, dans les deux cas, la réussite dépend d’un équilibre subtil entre efficacité et tolérance. Un excellent candidat peut échouer s’il n’est pas “biodisponible” dans votre environnement. C’est une métaphore concrète qui parle à tous les professionnels de la pharma.

  • Les soft skills sont-ils vraiment mesurables de façon fiable ?

    Oui, à condition d’utiliser les bonnes méthodes :

    • Entretiens comportementaux structurés

    • Tests de personnalité ou de logique émotionnelle

    • Évaluations collaboratives ou mises en situation

    L’enjeu n’est pas d’obtenir une vérité absolue, mais d’évaluer la cohérence entre le profil et la réalité du poste.


  • Pourquoi intégrer l’équipe dans le processus de recrutement ?

    Parce qu’elle connaît les réalités terrain et détecte rapidement les incompatibilités de style ou d’attitude. Elle se sent aussi plus investie dans la réussite du nouveau collaborateur, ce qui favorise l’intégration et l’adhésion collective.

  • Comment convaincre un manager technique d’évaluer les soft skills ?

    En lui montrant les coûts d’un mauvais recrutement, même techniquement parfait :

    • Turnover prématuré

    • Climat de tension dans l’équipe

    • Perte de productivité pendant la phase d’intégration

    Et en lui fournissant des outils concrets (grille de scoring, guides d’entretien).


  • Cette approche est-elle adaptée aux postes de production ou intérim ?

    Oui. Même pour des postes temporaires, la compatibilité comportementale joue un rôle dans la cohésion d’équipe, la sécurité et l’ambiance de travail. Ne pas l’évaluer, c’est prendre un risque inutile.

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